Vous le savez déjà sans doute, je suis fou (voir stupide). Il y a plus d'un an j'avais eu la brillante idée de rallier Trigny (près de Reims) depuis Paris à vélo (150km sur le plan). Avec une préparation proche de zéro, j'avais atteint mon objectif non sans mal. Je l'ai refait samedi dernier dans un tout autre état d'esprit. Pour les amateurs de détails, voici le récit de mes délires solitaires...
2009 : Vanves - Trigny (150km) - Acte I
- Il est 18h03 un jeudi soir quand un de mes neurones pète, mon dernier neurone décide qu'il faudra aller à Trigny ce week end en vélo, j'étudie le plan de route (par les départementales) et m'imprime une feuille récapitulant les principaux axes à emprunter.
- Je pars vendredi 17h30 après une journée de boulot. Mon équipement : une vélo de route, un casque, une chambre à air, une pompe, un téléphone (GPS), un mp3, un short, un tee-shirt, un deuxième short pour le lendemain (?!), un gilet jaune pour rouler le soir, une loupiote, 2 gourdes et 10 barres de céréales. Ma mère me force à emporter un kway juste avant de franchir le seuil de la porte "au cas où" (Merci maman).
- Traversée de Paris = danger. Je ne suis pas habitué à ce vélo et je ne prends aucun plaisir à slalomer entre les voitures pour rejoindre la porte de Pantin.
- La sortie de Paris est agréable, le milieu urbain est rapidement derrière, l'itinéraire est simple : tout droit.
- Les premières plaines sont un réel bonheur, les jambes tournent bien, la météo est au poil, tout baigne. Je n'oublie pas de boire et de manger régulièrement.
- 60km la nuit va bientôt tomber, un panneau m'indique Meaux, si j'y vais je suis sûr de trouver un lieu où dormir, mais le panache prend le pas sur la raison et je continue ma route.
- 80km la nuit commence à tomber, je suis dans un village de taille raisonnable avec des restos, des bars etc...Je décide de m'arrêter pour manger (entrecôte frites gros plez). A la fin du repas je demande à un autochtone "Où c'est que je dors dans ton bled paumé?" il me répond un "Ici ???" qui en dit long...Il n'y a rien pour dormir à des kilomètres à la ronde (paroles d'iPhone). La nuit est tombée.
- Un peu décontenancé, je décide de reprendre la route de nuit, gilet jaune sur le dos et loupiote clignotante à l'arrière...ERREUR ! Je ne vois RIEN, aucun éclairage si ce n'est le reflet de la lune sur la bande blanche du milieu de la route qui me guide, je manque de me viander 2 ou 3 fois sur les 5km qui séparent Lizy-sur-Ourcq du village le plus proche qui porte un nom encore plus pourri.
- Les jambes s'alourdissent, il va falloir dormir...Je m'arrête dans cette jolie bourgade au nom infâme et marche un peu pour essayer de trouver le sommeil, je me couche sur un banc tout transpirant et m'assoupis 2min30 le temps de sêcher et de me rendre compte qu'il caille sévère !
- Qu'à cela ne tienne, je déniche un petit coin abrité du vent entre un monument au mort et un buisson touffu, je m'allonge sur la pierre (c'est bon pour les abdos), j'enfile mon 2eme short par dessus le premier, je mets mon kway et couvre mes jambes du très épais gilet jaune de sécurité (à ce moment là j'ai ri tout seul).
- Je dors peut être 30min avant de me faire reveiller en panique par un bruit de "porc pas content". Mode baltringue activé ! J'enfourche mon vélo et je me barre très vite sans me retourner. Dans ma tête je viens d'echapper de justesse à un sanglier en furie (à ce moment là je commence à délirer)
- Il fait nuit et je me retrouve une nouvelle fois guidée par la bande blanche du milieu de la route éclairée par la lune. "Qu'est ce que je fous là..." est une question que je me pose toutes les 13 secondes à cet instant.
- Trop dangereux, je dois dormir ! Je vais donc devoir trouver où dormir à Crouy-sur-Ourcq...rien...rien...rien...OH ! Une cabine téléphonique ! C'est pas top mais c'est déjà ça. Ma souplesse légendaire et moi même entrons dans cette cabine pour passer une nuit de contorsionniste frigorifié dont je me rappelerai toute ma vie. En cumulant toutes les tranches de 7 minutes sommeil, ma nuit dure 2h. Le reste du temps je m'ennuie, j'écoute de la musique, je ne peux pas aller sur internet avec mon téléphone parcequ'il faut que je garde de la batterie pour le GPS (VDM), c'est loooooong, le soleil ne veut pas se lever.
- Les premières lueurs de soleil font leur apparition PILE au même moment que les premières gouttes de pluie. Il pleuvra jusqu'au bout de mon parcours...
- Les jambent tournent mal, le sommeil n'a pas été des plus réparateur, les routes sont de moins en moins indiquées. Je ne sors pas beaucoup le GPS parce qu'il pleut trop. Je me perds...
- Je vais faire près de 25km de route non prévue au programme. J'ai mal aux jambes. Je délire par manque de sommeil.
- Le vent se lève, souvent de face, j'ai l'impression que si je vais moins vite je vais tomber :)
- Le paysage reste néanmoins très beau, je lève la tête et je vois un chevreuil planté au milieu de la route à 20 mètres de moi qui me regarde puis s'en va. Les lapins et les herissons morts sur la chaussée rythment les kilomètres.
- Il reste 40km, je n'ai plus rien à manger, je suis trempé jusqu'à l'os, les jambes, les mollets, les fesses et le dos ne répondent plus. Il faut s'arrêter. La pause croissant et chocolat chaud me revigore.
- Je reprends la route sous une pluie battante, ca devient extremement dur physiquement. Il n'y a que des vallons et chaque dénivelé me casse le moral un peu plus. Les descentes paraissent trop courtes et je ne peux plus me mettre en danseuse à cause de la douleur.
- Je suis à bout de force quand je vois le panneau d'un village que je reconnais, l'espoir d'en voir le bout me donne la force de faire les derniers efforts. Chaque coup de pédale déchire mes cuisses. Je comprends enfin l'expression "pédaler avec les oreilles", c'est interminable.
- Un frisson me parcours tout le corps quand je rentre dans le village, je l'ai fait...je suis arrivé...je suis heureux...je suis con...con mais fier !
- 175km - 23km/h de moyenne - 7h30 passées sur la selle - pas top
- Retour en voiture :)
2010 : Paris Porte de Pantin - Trigny (140km) - Acte II
- Je sais que suis capable de le faire d'une traite, mieux préparé. J'avais fait 45km de vélo l'avant-veille pour chauffer le moteur, acheté un cuissard, des gants, beaucoup de barres de céréales, choisi mon jour pour la météo et appris par coeur le nom de tous les villages sur la route.
- Laché porte de Pantin à 8h par le directeur sportif de l'équipe P.A.P.A, je m'élance doucement connaissant la difficulté du parcours qui m'attend.
- Je prends beaucoup de plaisir à rouler. Je gère parfaitement l'hydratation, l'alimentation, la navigation, l'effort...
- Le temps est idéal, petit soleil voilé, vent d'ouest, pépite life quoi.
- Une pause pissou, une pause remplissage des gourdes, une pause saut de chaîne cheh, une pause GPS (10km en trop), une pause réglage de selle...un total de 25 minutes de pause.
- Je roule, je roule, je roule, je suis en pleine introspection (j'ai du temps).
- Ca devient très dur après 120km, il en reste 30...
- Les jambe brûlent, les vallons cassent le rythme mais je m'y attendais, j'approche du but, le moral est bon.
- J'arrive cuit, toujours aussi con et fier avec un beau chrono en guise de récompense.
- 150km - 27km/h de moyenne - 5h30 sur la selle - Largement au dessus de l'objectif
- Retour en voiture :)
Pourquoi avoir fait ça ? Je ne sais pas bien si c'est le goût du défi, de la performance, du dépassement de soi, des limites, de l'effort solitaire ou bien l'amour du vélo...sûrement un peu de tout ça, mais ce qui est sûr c'est que je n'oublierai pas de si tôt cette double expérience.
3 commentaires:
Y a qu'un druide pour faire ça
Enorme la façon dont tu racontes !
BRAVO ! T'es con mais pas tant que ça ! La prochaine fois, préviens nous, on ferra une pause relais avec ola et encouragement dans les alentours de Ourcq-c-loin-de-Paris.
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